Las Palabras, Pablo Neruda
jeudi 25 septembre 2014
mercredi 24 septembre 2014
Las Palabras / Les mots de Pablo Neruda
« ... Todo lo que usted quiera, sí señor, pero son las palabras las que cantan, las que suben y bajan... Me prosterno ante ellas... Las amo, las adhiero, las persigo, las muerdo, las derrito... Amo tanto las palabras... Las inesperadas... Las que glotonamente se esperan, se acechan, hasta que de pronto caen... Vocablos amados... Brillan como piedras de colores, saltan como platinados peces, son espuma, hilo, metal, rocío... Persigo algunas palabras... Son tan hermosas que las quiero poner todas en mi poema... Las agarro al vuelo, cuando van zumbando, y las atrapo, las limpio, las pelo, me preparo frente al plato, las siento cristalinas, vibrantes, ebúrneas, vegetales, aceitosas, como frutas, como algas, como ágatas, como aceitunas... Y entonces las revuelvo, las agito, me las bebo, me las zampo, las trituro, las emperejilo, las liberto... Las dejo como estalactitas en mi poema, como pedacitos de madera bruñida, como carbón, como restos de naufragio, regalos de la ola... Todo está en la palabra... Una idea entera se cambia porque una palabra se trasladó de sitio, o porque otra se sentó como una reinita adentro de una frase que no la esperaba y que le obedeció... Tiene sombra, trasparencia, peso, plumas, pelos, tiene de todo lo que se les fue agregando de tanto rodar por el río, de tanto trasmigrar de patria, de tanto ser raíces... Son antiquísimas y recientísimas... Viven en el féretro escondido y en la flor apenas comenzada... »
«… Tout ce que vous voudrez, oui, monsieur, mais ce sont les mots qui chantent, les mots qui montent et qui descendent… Je me prosterne devant eux… Je les aime, je m’y colle, je les traque, je les mords, je les dilapide… J’aime tant les mots… Les mots inattendus… Ceux que gloutonnement on attend, on guette, jusqu’à ce qu’ils tombent soudain… Termes aimés, ils brillent comme des pierres de couleurs, ils sautent comme des poissons de platine, ils sont écume, fil, métal, rosée… Il est des mots que je poursuis… Ils sont si beaux que je veux les mettre tous dans mon poème… Je les attrape au vol, quand ils bourdonnent, et je les tetiens, je les nettoie, je les décortique, je me prépare devant l’assiette, je les sens cristallins, vibrants, éburnéens, végétaux, huileux, comme des fruits, comme des algues, comme des agates, comme des olives… Et alors je les retourne, je les agite, je les bois, je les avale, je les triture, je les mets sur leur trente et un, je les libère… Je les laisse comme des stalactites dans mon poème, comme des bouts de bois poli, comme du charbon, comme des épaves de naufrage, des présents de la vague… Tout est dans le mot… Une idée entière se modifie parce qu’un mot a changé de place ou parce qu’un autre mot s’est assis comme un petit roi dans une phrase qui ne l’attendait pas et lui a obéi… Ils ont l’ombre, la transparence, le poids, les plumes, le poil, il ont tout ce qui s’est ajouté à eux à force de rouler dans la rivière, de changer de patrie, d’être des racines… Ils sont à la fois très anciens et très nouveaux… Ils vivent dans le cercueil caché et dans la fleur à peine née…»
Confieso que he vivido
Pablo Neruda, 1974
Maule, 1904 - Santiago de Chile, 1973
«… Tout ce que vous voudrez, oui, monsieur, mais ce sont les mots qui chantent, les mots qui montent et qui descendent… Je me prosterne devant eux… Je les aime, je m’y colle, je les traque, je les mords, je les dilapide… J’aime tant les mots… Les mots inattendus… Ceux que gloutonnement on attend, on guette, jusqu’à ce qu’ils tombent soudain… Termes aimés, ils brillent comme des pierres de couleurs, ils sautent comme des poissons de platine, ils sont écume, fil, métal, rosée… Il est des mots que je poursuis… Ils sont si beaux que je veux les mettre tous dans mon poème… Je les attrape au vol, quand ils bourdonnent, et je les tetiens, je les nettoie, je les décortique, je me prépare devant l’assiette, je les sens cristallins, vibrants, éburnéens, végétaux, huileux, comme des fruits, comme des algues, comme des agates, comme des olives… Et alors je les retourne, je les agite, je les bois, je les avale, je les triture, je les mets sur leur trente et un, je les libère… Je les laisse comme des stalactites dans mon poème, comme des bouts de bois poli, comme du charbon, comme des épaves de naufrage, des présents de la vague… Tout est dans le mot… Une idée entière se modifie parce qu’un mot a changé de place ou parce qu’un autre mot s’est assis comme un petit roi dans une phrase qui ne l’attendait pas et lui a obéi… Ils ont l’ombre, la transparence, le poids, les plumes, le poil, il ont tout ce qui s’est ajouté à eux à force de rouler dans la rivière, de changer de patrie, d’être des racines… Ils sont à la fois très anciens et très nouveaux… Ils vivent dans le cercueil caché et dans la fleur à peine née…»
J'avoue que j'ai vécu
Pablo Neruda
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