Merci à Federico pour ce compte rendu!
Marco Polo et Kublai Khan
Marco Polo et Kublai Khan sont deux
personnages complémentaires : Kublai est un empereur tout puissant qui a
cependant besoin de Marco pour connaître son empire. Il a le pouvoir et tient
entre ses mains un atlas qui lui indique les donnés objectifs concernant chaque
ville, mais il n’en a aucune connaissance directe. De même, Marco sait qu’il
trouvera un interlocuteur attentif, que ses entreprises trouveront des oreilles
curieuses pour les écouter. Kublai a son acteur et Marco son public.
Le Khan représente l’idée de la connaissance
comme conquête et accumulation. Cet homme est un guerrier, un conquéreur, pour
lequel connaître est équivalent à posséder du savoir.
L’atmosphère du texte est onirique, comme dans
les « milles et une nuits ». Calvino utilise des termes rares et insolites
(pantomime, logogriphes,) et des images exotiques et éparpillées (le poisson et
le cormoran, l’homme qui traverse le feu) pour créer une atmosphère suspendue
entre le rêve et la veille.
Ce texte est représentatif du problème de la
communicabilité. Bien qu’elles aient un pouvoir évocateur, les pantomimes du vénitien
ne dissolvent pas l’incertitude de la communication. Même quand Marco apprend
la langue tartare, ce qui lui permet de préciser ses récits et détailler ses
descriptions, il y a toujours un « quelque chose » qui échappe. La
profusion de détails ne garantit pas l’interprétation unique.
La communication, puisqu’elle ne peut pas se
construire d’abord par la parole, se décline en plusieurs formes : montrer
des objets, expression théâtrale, rebus.
Dans ce texte la communication se construit,
paradoxalement, aussi par le silence. Le dialogue est un jeu de parole et de
pauses, tout comme dans le jeu de l’acteur.
L’image de la pantomime elle-même est
représentative de ce jeu : le mime, plus que tout autre forme d’expression
dramatique, se construit entre expressivité, action et silence.
Le voyage est à la fois le voyage réel de
Marco dans l’empire mais aussi le voyage imaginaire et silencieux de la pensée
du Khan. Voyager c’est s’avancer dans l’invisible et le véritable voyage
commence quand le récit se termine, face au non-dit. La divagation (di-vagare)
est une errance.
Présence de l’idée de jeu : le jeu
devient le sens et l’essence même de la vie. Calvino nous le montre en
introduisant plusieurs images comme le rebus, le jeu d’échec et les pantomimes.
La farce de Marco est ce qui donne sens à ses expériences et au récit.
L’échange qui se construit entre les deux personnages est un jeu symbolique de
questionnement et réponse.
Texte qui met en lumière la relation entre
signifiant et signifié, entre l’objet et son symbole. Est-ce que le signe
correspond à ce qu’il désigne ? Faut-il rechercher une correspondance
objective entre les deux ? Calvino semble suggérer qu’il est beaucoup plus
intéressant de se plonger dans la richesse interprétative d’un signe. Un simple
signe, s’il n’est pas immédiatement ramené à son objet, peut être le point
d’élan vers les plus belles chimères.
L’image que la seule évocation d’un signe
engendre a une valeur en soi, au delà de ce qu’elle pourrait représenter.
Le phantasme est plus puissant que l’objet, c’est
pourquoi dans la mémoire du Khan restent d’abord les récits de Marco et ses
gestes qui étaient des signes d’objets imaginaires construits par la fantaisie
du Khan.
Le célèbre tableau de Magritte.
Quel lien y a-t-il entre l'objet, le mot et l'image?
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