Las Palabras, Pablo Neruda

Las Palabras, Pablo Neruda

vendredi 21 novembre 2014

Séance mardi 25 18h30

Prochaine séance mardi 25 18h30 salle F615, comme d'habitude 
Le texte est un extrait de la conclusion de "les morts" de Joyce.
ici vous avez les link de l'ebook de "gens de dublin". Le récit est le dernier du recueil.

http://www.ebooksgratuits.com/html/joyce_gens_de_dublin.html#_Toc157673430

https://www.youtube.com/watch?v=z6FGIaWaQxA


Elle dormait à poings fermés.

Gabriel, appuyé sur son coude, regarda quelques temps sans rancœur ses cheveux emmêlés et sa bouche entrouverte, tout en l’écoutant respirer profondément. Ainsi elle avait eu cette aventure dans sa vie : un homme était mort pour elle. Considérer quel pauvre rôle il avait, lui, son mari, joué dans sa vie, ne le peinait plus que peu maintenant. Il la regarda dormir, comme si elle et lui n’avaient jamais été mari et femme. Ses yeux s’attardèrent avec curiosité sur son visage et ses cheveux : et, comme il pensait à celle qu’elle avait certainement été alors, à l’époque de sa première beauté de jeune fille, une étrange et amicale pitié pour elle pénétra son âme. Il n’aimait pas avouer, fut-ce à lui-même, que son visage n’était plus beau, mais il savait que ce n’était plus le visage pour lequel Michael Furey avait défié la mort.

Peut-être ne lui avait-elle pas raconté toute l’histoire. Ses yeux se portèrent sur la chaise où elle avait jeté certains de ses vêtements. Le cordon d’un jupon pendait vers le sol. Une bottine se tenait droite, sa partie supérieure tombant mollement vers le bas : sa compagne reposait à ses côtés. Il était étonné par le torrent d’émotions qui l’avait emporté tout à l’heure. Quelle en était la source ? Le souper chez sa tante, son discours imbécile, le vin et la danse, le fou rire lors des adieux dans le hall, le plaisir de la marche dans la neige le long du fleuve ? Pauvre tante Julia ! Elle aussi, bientôt, serait une ombre aux côtés des ombres de Patrick Morkan et de son cheval. Il avait aperçu sur son visage un regard éperdu pendant qu’elle chantait Arrayed for the Bridal[1]. Bientôt, peut-être, il serait assis dans ce même séjour, vêtu de noir, son chapeau de soie sur les genoux. Les stores seraient baissés et tante Kate serait assise à côté de lui, pleurant et se mouchant et lui racontant comment exactement Julia était morte. Il chercherait désespérément en lui quelques mots de consolation, mais n’en trouverait que d’inutiles et boiteux. Oui, oui : cela arriverait très bientôt.

L’air frais de la chambre le fit tressaillir. Il se glissa sous les couvertures et s’allongea à côté de sa femme. Un par un, tous devenaient des ombres. Plutôt passer hardiment dans cet autre monde, dans la gloire sans tache de quelque passion, que flétrir et dépérir misérablement avec l’âge. Il pensa à la façon dont la femme couchée près de lui avait gardé enfermée dans son cœur pendant tant d’années l’image des yeux de son amant lui disant qu’il ne souhaitait pas vivre.

Des larmes généreuses emplirent les yeux de Gabriel.

Il n’avait lui-même jamais éprouvé rien de tel à l’égard d’une femme, mais il savait qu’un tel sentiment devait être l’amour. Ses larmes se firent plus abondantes, et dans la pénombre il crut voir la forme d’un jeune homme sous un arbre ruisselant. D’autres formes étaient à proximité. Son âme avait atteint ce lieu où demeure la multitude innombrable des morts. Il était conscient de leur existence capricieuse et intermittente, mais il ne pouvait la comprendre. Sa propre identité s’estompait dans un monde intangible et gris : le monde solide lui-même, que ces morts avaient un jour bâti et habité, se dissolvait et se résorbait.

Quelques reflets sur les carreaux le firent se tourner vers la fenêtre. De nouveau il neigeait. Les yeux lourds, il regarda tomber les flocons, argentés et sombres, contre le réverbère. Le moment était venu pour lui de commencer son voyage vers l’ouest. Oui, les journaux avaient raison : l’Irlande entière était recouverte de neige. Elle tombait en tous points de la sombre plaine centrale, sur les collines sans arbres, doucement sur le marais d’Allen et, plus à l’ouest, doucement sur les vagues sombres et rebelles de Shannon[2]. Elle tombait, de même, en tous points du cimetière solitaire sur la colline où reposait Michael Furey. Elle reposait en couches épaisses sur les croix déformées et les pierres tombales, sur les piques de la petite barrière et sur les épines stériles. Son âme lentement s’évanouissait comme il entendait la neige tomber délicatement sur l’univers et délicatement tomber, comme à la venue de la dernière heure, sur tous les vivants et les morts.

[1] Parée pour la noce. Cet air est extrait de I Puritani di Scozia de Bellini.

[2] Le Bog of Allen se trouve à quelques dizaines de kilomètres au sud-ouest de Dublin. Quant au fleuve Shannon, dont le lit est parfois très large, il contourne par le sud-est le comté de Galway, avant de se jeter dans l’océan Atlantique.

vendredi 14 novembre 2014

Discussion autour de l'extrait de "les Villes invisibles" de Italo Calvino


Merci à Federico pour ce compte rendu!



Marco Polo et Kublai Khan

Marco Polo et Kublai Khan sont deux personnages complémentaires : Kublai est un empereur tout puissant qui a cependant besoin de Marco pour connaître son empire. Il a le pouvoir et tient entre ses mains un atlas qui lui indique les donnés objectifs concernant chaque ville, mais il n’en a aucune connaissance directe. De même, Marco sait qu’il trouvera un interlocuteur attentif, que ses entreprises trouveront des oreilles curieuses pour les écouter. Kublai a son acteur et Marco son public.

Le Khan représente l’idée de la connaissance comme conquête et accumulation. Cet homme est un guerrier, un conquéreur, pour lequel connaître est équivalent à posséder du savoir.

L’atmosphère du texte est onirique, comme dans les « milles et une nuits ». Calvino utilise des termes rares et insolites (pantomime, logogriphes,) et des images exotiques et éparpillées (le poisson et le cormoran, l’homme qui traverse le feu) pour créer une atmosphère suspendue entre le rêve et la veille.

Ce texte est représentatif du problème de la communicabilité. Bien qu’elles aient un pouvoir évocateur, les pantomimes du vénitien ne dissolvent pas l’incertitude de la communication. Même quand Marco apprend la langue tartare, ce qui lui permet de préciser ses récits et détailler ses descriptions, il y a toujours un « quelque chose » qui échappe. La profusion de détails ne garantit pas l’interprétation unique.
La communication, puisqu’elle ne peut pas se construire d’abord par la parole, se décline en plusieurs formes : montrer des objets, expression théâtrale, rebus.
Dans ce texte la communication se construit, paradoxalement, aussi par le silence. Le dialogue est un jeu de parole et de pauses, tout comme dans le jeu de l’acteur.
L’image de la pantomime elle-même est représentative de ce jeu : le mime, plus que tout autre forme d’expression dramatique, se construit entre expressivité, action et silence.

Le voyage est à la fois le voyage réel de Marco dans l’empire mais aussi le voyage imaginaire et silencieux de la pensée du Khan. Voyager c’est s’avancer dans l’invisible et le véritable voyage commence quand le récit se termine, face au non-dit. La divagation (di-vagare) est une errance.

Présence de l’idée de jeu : le jeu devient le sens et l’essence même de la vie. Calvino nous le montre en introduisant plusieurs images comme le rebus, le jeu d’échec et les pantomimes. La farce de Marco est ce qui donne sens à ses expériences et au récit. L’échange qui se construit entre les deux personnages est un jeu symbolique de questionnement et réponse.

Texte qui met en lumière la relation entre signifiant et signifié, entre l’objet et son symbole. Est-ce que le signe correspond à ce qu’il désigne ? Faut-il rechercher une correspondance objective entre les deux ? Calvino semble suggérer qu’il est beaucoup plus intéressant de se plonger dans la richesse interprétative d’un signe. Un simple signe, s’il n’est pas immédiatement ramené à son objet, peut être le point d’élan vers les plus belles chimères.
L’image que la seule évocation d’un signe engendre a une valeur en soi, au delà de ce qu’elle pourrait représenter.
Le phantasme est plus puissant que l’objet, c’est pourquoi dans la mémoire du Khan restent d’abord les récits de Marco et ses gestes qui étaient des signes d’objets imaginaires construits par la fantaisie du Khan. 

Le célèbre tableau de Magritte.
Quel lien y a-t-il entre l'objet, le mot et l'image?

lundi 10 novembre 2014

Séance 5: extraits de "les Villes invisibles" de Italo Calvino


Demain (mardi 11) de 18h30 à 20h00 aura lieu la 4ème séance de lecture de Paroles, avec des extraits de Italo Calvino. Rdv à 18h30 Place de la Sorbonne!
Vous êtes tous bienvenus!





vendredi 7 novembre 2014

4e édition du festival Paris en toutes lettres

Cette année c'est la 4e édition du festival littéraire de la ville de Paris: Paris en toutes lettres. Conférences, lectures musicales, concerts, bals littéraires...

http://www.maisondelapoesieparis.com/…/festival-paris-en-t…/


mardi 4 novembre 2014

Discussion autour de l'extrait de "Les Chants de Maldoror"



IDÉES ÉPARPILLÉES

- atmosphère sombre, riche en détails.

-il y a une dynamique frénétique du texte, c'est un rythme serré, on est emporté dans une ronde infernale, une danse des ténèbres. Pendant la nuit, lorsque les hommes dorment, le monde des ténèbres se réveille. mouvement constant: "l'ombre, court, vient, revient"

-rythme répétitif, comme un chant religieux, comme des moines qui murmurent sans cesse.

                                                        La danza de la realidad




La danse macabre- Disney (1929)



-reprise d'éléments du roman gothique: les ombres, les animaux féroces, les lieux isolés et sombres...

-le texte fonctionne par accumulations et climax, le "contre" est énormément répété

-les chiens représentent les humains et plus en général les créatures, qui partagent une "soif de l'infini" mais qui se brisent contre la cruauté de la nature, de ses lois implacables. Les créatures ont toutes "les yeux ardents", tendent toutes au sublime, et il y a donc dans ce sens une communion des êtres vivants, mais elles tombent dans le désespoir face à leur finitude.
Les chiens finissent par s'entre-tuer, par s'entre-déchirer; cela non par cruauté mais par désespoir.

-l'insatisfaction de son état mène à la destruction. Thème qu'on retrouve dans d'autres auteurs tels que Sade ou Bataille.

-le chien errant est l'homme perdue sur son chemin mais dont la fin est déterminée. Il ne sait pas ce qu'il cherche et il finit pour se battre contre soi-même.

-meme si les événements du texte sont d'une violence inouïe, il n'y a aucun jugement de la part du narrateur. On pourrait même y voir une justification ("ne tourne pas en dérision ce qu'ils font"). La mère  du narrateur ne tente pas de donner un sens aux événements.
Le texte est descriptif et amoral.

-c'est un texte dialectique, qui procède par négations. l'existence d'un être passe par la négation d'un autre. le mouvement procède par négations: tout le monde se nie, chacun contre les autres.

-c'est un paysage sonore: présence de bruits, gémissements, cris.