Par Augustin
Entre les lignes, le narrateur chuchote : "je vais mourir..." Ô, mais quel est ce "je" ? L'homme à l'instant où il meurt... celui qui déjà mort ressasse... Fatale semble sa route, la mort est annoncé, il marche vers elle, pris dans l'engrenage (de la vie ? de la narration ?). Le "je" est impersonnel, le ton est neutre, la mort intellectualisé. Le narrateur semble s'élever au-dessus du monde, de la vie, de sa vie. Le temps n'a plus cours sur lui. Les frontières entre vie et mort sont confuses : il est toujours déjà mort. Des espaces de liberté s'ouvrent ! Il y a t-il une morale ? Résignez-vous ! Tout n'est que vanité ! Il y a t-il un propos religieux ?... au travers de cette moral de la mort... Est-il un terroriste ?! car vingt personnes doivent le suivre dans sa destruction. Plus rien ne le surprenant. Il lui faut être clair, il faut que tout soit ordonné : il se prépare à la mort... Et rupture ! de la fin du récit. Le texte s'accélère, se dynamise... et se clôt par de l'ironie.
Quelques oeuvres et auteurs auxquels nous avons pensé :
- American Beauty (et le personnage qui annonce sa mort) ;
- Dostoïevski (et ces formules : "il devrait se souvenir que...") ;
- La Nausée, J.-P. Sartre (et l'importance de la fin) ;
-Pessoa
Lorsque viendra le printemps,
si je suis déjà mort,
les fleurs fleuriront de la même manière
et les arbres ne seront pas moins verts
qu’au printemps passé.
La réalité n’a pas besoin de moi.
J’éprouve une joie énorme
à la pensée que ma mort n’a aucune importance.
Si je savais que demain je dois mourir
et que le printemps est pour après-demain,
je serais content de ce qu’il soit pour après-demain.
Si c’est là son temps, quand viendrait-il sinon
en son temps ?
J’aime que tout soit réel et que tout soit précis ;
et je l’aime parce qu’il en serait ainsi, même
si je ne l’aimais pas.
C’est pourquoi, si je meurs sur-le-champ, je meurs content,
parce que tout est réel et tout est précis.
On peut, si l’on veut, prier en latin sur mon cercueil.
On peut, si l’on veut, danser et chanter tout autour.
Je n’ai pas de préférences pour un temps où je ne pourrai plus avoir de préférences.
Ce qui sera, quand cela sera, c’est cela qui sera ce qui est.
***
Fernando Pessoa (1888-1935) – 7-11-1915 – Traduction d’Armand Guibert
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